ill. Claudine Devey |
Nous faisons la connaissance d'Andrew, petit garçon de neuf ans qui est témoin du racisme ordinaire de son père. Puis on retrouve Drew (encore Andy pour sa mère), dix-sept ans, qui s'efface devant son père, qui lui n'a pas changé. Le décor est planté : nous sommes dans le tristement banal quotidien d'une famille dont les membres se croisent, sans vraiment s'aimer et se détruise sans en prendre conscience.
Alors oui, ce n'est pas un livre très joyeux. C'est un livre à lire d'une traite (à peine 200 pages), pour ne pas laisser traîner cette tristesse. Mais bon, peut-être que les personnages vont connaître une grande évolution, qu'ils vont ouvrir les yeux sur yeux et que tout se terminera dans un éclat de bonheur et de félicité ? Ce n'est pas gagné. Ce roman tend à nous projeter sans ménagement dans la réalité.
Et dans la réalité, tout n'est pas noir ou blanc. Les personnages qui gravitent autour de Drew sous tour à tour mis sous le feux des projecteurs de la narration, nous permettant ainsi de nous rendre compte que chacun d'eux est... gris. Aucun d'eux n'est fondamentalement méchant ou mauvais.
Prenons l'exemple du père de Drew qui est tout aussi au cœur du roman que son fils. C'est un homme borné, raciste, sexiste, rustre... mais qui également cherche à comprendre son fils, à l'aider à trouver ce qu'il considère comme un « vrai » métier en faisant jouer ses contacts et qui s'applique à plaire à sa nouvelle compagne. Il trime pour sa famille et ne comprend pas qu'ils ne soient pas reconnaissants pour ses efforts. Il est désespéré de voir Drew s'enfermer dans sa chambre ou de traîner son corps d'asperge dans l'appartement, alors qu'il pourrait aller lever de la petite et boire des coups avec une bande de potes. Sa vision de la vie et de ce que doit être un homme, un vrai, est certes très-très-très réduite et stéréotypée, mais en même temps, lui n'a connu que cela. Ce sont les codes qu'il a intégré et ne supporte pas la différence, même en la personne de son propre fils. C'est indéniablement l'un des personnage les plus complexe et à la fois le plus ordinaire de ce roman.
La mère de Drew n'est pas en reste, un peu paumée mais qui trouve une motivation à vendre ses produits bio tout en fuyant les discussions sérieuses avec son fils.
Drew, notre fameux Drew, est tout aussi perdu, détestant son père mais ne pouvant s'empêcher de chercher son approbation. Il est solitaire, ne se sent réellement vivant seulement lorsque la force d'un riff agressif de musique vient l'apaiser et lui faire ressentir des émotions, émotions qu'il écrase vivement contre sa peau à grands coups de brûlures de cigarettes. Il se rend nul, frôlant tout juste la moyenne en cours alors qu'il a tant de facilités. Gâchis ? Peut-être. Mais sa rencontre avec Sky va l'illuminer. Sky mériterait elle aussi son paragraphe mais oh, je vous laisse un peu de surprises, tout de même !
Vous l'aurez compris, ce sont les personnages qui sont le point fort de cette histoire. Mais la forme en elle-même n'est pas en reste, puisque la construction du roman est assez particulière. Alternant entre un « Jour J » où l'on comprend bien vite que quelque chose d'irréparable s'est produit et des moments de vie des années auparavant, ces bonds dans le temps permettent de comprendre les relations complexes de cette famille, allant de la haine, au dégoût, en passant par certains moments plus beaux, ou du moins avec la volonté de l'être.
Point intéressant : ce livre parle d'automutilation, sujet rarement évoqué en littérature jeunesse et pourtant si important. Pour continuer cet aparté, je vous invite vraiment à lire Le faire ou mourir de Claire-Lise Marguier, au Rouergue qui traite aussi de l'automutilation à travers un personnage complexe et désespéré.
Pour conclure... lisez Les Fragiles ! Cette injonction n'est pas très originale, mais je pense sincèrement que des livres comme celui-ci peut ouvrir les yeux de certains ; les relations pères-fils, le creusement entre les générations, la confrontation à la haine ordinaire, tous ces sujets sont importants et méritent d'être racontés, lus. Et quand ils sont aussi bien retracés que dans ce livre, ça vaut le coup, vraiment, de se plonger dedans.
Alors oui, ce n'est pas un livre très joyeux. C'est un livre à lire d'une traite (à peine 200 pages), pour ne pas laisser traîner cette tristesse. Mais bon, peut-être que les personnages vont connaître une grande évolution, qu'ils vont ouvrir les yeux sur yeux et que tout se terminera dans un éclat de bonheur et de félicité ? Ce n'est pas gagné. Ce roman tend à nous projeter sans ménagement dans la réalité.
Et dans la réalité, tout n'est pas noir ou blanc. Les personnages qui gravitent autour de Drew sous tour à tour mis sous le feux des projecteurs de la narration, nous permettant ainsi de nous rendre compte que chacun d'eux est... gris. Aucun d'eux n'est fondamentalement méchant ou mauvais.
Prenons l'exemple du père de Drew qui est tout aussi au cœur du roman que son fils. C'est un homme borné, raciste, sexiste, rustre... mais qui également cherche à comprendre son fils, à l'aider à trouver ce qu'il considère comme un « vrai » métier en faisant jouer ses contacts et qui s'applique à plaire à sa nouvelle compagne. Il trime pour sa famille et ne comprend pas qu'ils ne soient pas reconnaissants pour ses efforts. Il est désespéré de voir Drew s'enfermer dans sa chambre ou de traîner son corps d'asperge dans l'appartement, alors qu'il pourrait aller lever de la petite et boire des coups avec une bande de potes. Sa vision de la vie et de ce que doit être un homme, un vrai, est certes très-très-très réduite et stéréotypée, mais en même temps, lui n'a connu que cela. Ce sont les codes qu'il a intégré et ne supporte pas la différence, même en la personne de son propre fils. C'est indéniablement l'un des personnage les plus complexe et à la fois le plus ordinaire de ce roman.
La mère de Drew n'est pas en reste, un peu paumée mais qui trouve une motivation à vendre ses produits bio tout en fuyant les discussions sérieuses avec son fils.
Drew, notre fameux Drew, est tout aussi perdu, détestant son père mais ne pouvant s'empêcher de chercher son approbation. Il est solitaire, ne se sent réellement vivant seulement lorsque la force d'un riff agressif de musique vient l'apaiser et lui faire ressentir des émotions, émotions qu'il écrase vivement contre sa peau à grands coups de brûlures de cigarettes. Il se rend nul, frôlant tout juste la moyenne en cours alors qu'il a tant de facilités. Gâchis ? Peut-être. Mais sa rencontre avec Sky va l'illuminer. Sky mériterait elle aussi son paragraphe mais oh, je vous laisse un peu de surprises, tout de même !
Vous l'aurez compris, ce sont les personnages qui sont le point fort de cette histoire. Mais la forme en elle-même n'est pas en reste, puisque la construction du roman est assez particulière. Alternant entre un « Jour J » où l'on comprend bien vite que quelque chose d'irréparable s'est produit et des moments de vie des années auparavant, ces bonds dans le temps permettent de comprendre les relations complexes de cette famille, allant de la haine, au dégoût, en passant par certains moments plus beaux, ou du moins avec la volonté de l'être.
Point intéressant : ce livre parle d'automutilation, sujet rarement évoqué en littérature jeunesse et pourtant si important. Pour continuer cet aparté, je vous invite vraiment à lire Le faire ou mourir de Claire-Lise Marguier, au Rouergue qui traite aussi de l'automutilation à travers un personnage complexe et désespéré.
Pour conclure... lisez Les Fragiles ! Cette injonction n'est pas très originale, mais je pense sincèrement que des livres comme celui-ci peut ouvrir les yeux de certains ; les relations pères-fils, le creusement entre les générations, la confrontation à la haine ordinaire, tous ces sujets sont importants et méritent d'être racontés, lus. Et quand ils sont aussi bien retracés que dans ce livre, ça vaut le coup, vraiment, de se plonger dedans.
Les Fragiles de Cécile Roumiguière • France • Sarbacane « Exprim » • 15,50 € • 197 pages • avril 2016
Il est dans ma PAL, et comme beaucoup des Sarbacane, il a l'air superbe!
RépondreSupprimerIl l'est :)
SupprimerJe ne suis pas sûre que je me serais tournée vers ce livre en le voyant mais ton avis me fait changer d'avis !
RépondreSupprimerUne histoire tellement touchante, ce livre m'a serrée le cœur...
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