11 juil. 2018

Terrortriste - Vincent Mondiot, fanzine entre l'adolescence et l'âge adulte

Sur ce blog, je me concentre sur les livres jeunesse, et plus particulièrement ceux qui s'adressent aux adolescents. Je me retrouve ainsi bien embêtée par Terrortriste : ce n'est pas un livre - plutôt un recueil -, c'est autoédité - donc impossible de le ranger dans une petite case éditoriale -, et il traite de cette délicate période du passage à l'adolescence et l'âge adulte. J'ai un peu hésité avant de me décider à finalement lui consacrer un article. Je ne vais pas mentir, j'ai passé un très bon moment avec ce recueil et certains passages m'ont vraiment touchés, alors pourquoi ne pas partager cela avec toi ? 

C'est parti.

« Je passe mon temps libre à être assise dans ma chambre, contre un mur, j'écoute des disques en bouffant des graines de tournesol et en chialant, putain, j'en chiale jusqu'à ce que mes muscles faciaux soient tellement congestionnés que je ne peu même plus pleurer. Je regarde la fenêtre fermée, fixement, en attendant je ne sais quelle putain de révélation divine, je cherche une raison à mes pleurs et à ce cri dans mon ventre, ce cri dans mon ventre. 
Avoir un but n'aide pas à remonter. 
Avoir un amour n'aide pas à remonter. 
Avoir des amis n'aide pas à remonter. 
Avoir des ennemis n'aide pas à remonter. 
Avoir des rêves n'aide pas remonter. 
Avoir la musique arrive encore à m'aider. Les mode qui est en moi. Écrire. Se souvenir, oublier, se souvenir. Retourner dans les égouts, merde, je ne demande que ça. Je veux pas oublier ce que j'ai été. Mon futur s'est en allé trop loin pour que j'espère le rattraper et je m'accroche alors à mon passé. »

Voici Sarah. Elle a 20 ans, une sévère dépression et une tendance fatiguante à l'égocentrisme. C'est une meuf paumée dans sa vie, dans sa ville, qui préfère la destruction à n'importe quelle autre chose. Elle est chiante. Terrortriste est son journal intime qu'elle va faire durer pendant deux ans (de 2004 à 2006) et sept fanzines (le recueil est ensuite sorti en 2016). Elle s'y livre sans filtre, mêlant dialogues rapportés, collages chelous, chroniques de disques ou de bouquins, de séries télé, de films. À l'image de son esprit, Terrortriste est complètement en bordel.

« Je ne vois que deux avenirs possibles, pour moi. Moi dans une maison en Californie, mariée à un mec génial, un musicien peut-être, moi devenue écrivain à succès, une maison avec vue sur le désert et la mer pas si loin, organisant des concerts dans mon garage, ayant plus tard des enfants, étant une femme rangée et tatouée écrivant des bouquins bordéliques et faisant l'amour avec son mari génial. 
Ou. 
Moi dans un appart pourri en région parisienne, faisant l'un des boulots de merde que j'ai déjà faits, serveuse, emballeuse des trucs dans un entrepôt, caissière ou je ne sais quoi ; moi dans mon appart sale et mal rangé, construisant des bombes artisanales sur mon bureau encombré de manuscrits abandonnés tout en parlant avec la vieille des cauchemars et les gens incomplets de choses incompréhensibles. »

Tu as certainement dû le comprendre, j'aime beaucoup ce qu'écrit Vincent Mondiot. J'ai une affection particulière pour ses personnages à côté de la plaque qui font du mieux qu'ils peuvent dans leur vie. Et Sarah ne m'a pas déçue. C'est le genre de meuf qui serait proprement insupportable dans la réalité, mais que tu adores suivre entre les pages d'un roman. Même si Terrortriste n'est pas un roman. Plonger dans son journal intime - et donc dans sa tête - est un plaisir coupable. Tu y es bien. Sarah décrit avec justesse ce putain de moment où tu vois tes ami·es s'épanouir, tes certitudes se défaire et ton insouciance s'éloigner tandis qu'arrivent à grands pas les angoisses adultes. Plusieurs fois, elle évoque ses années lycée, ces moments où tout était si simple, maintenant disparus à jamais. Ça, c'est un truc qui me parle très bien. J'ai dit plus haute que Sarah était chiante ? C'est vrai. Mais c'est aussi un personnage fascinant, parce que tu te reconnaîtras forcément d'une manière ou d'une autre en elle.

« J'ai l'impression que depuis le tout début de ma vie, je ne fais que passer d'une page à l'autre en détestant chaque putain de ligne puis, une fois la page tournée à tout jamais, en me mettant à les regretter douloureusement, à les aimer comme jamais je ne les ai aimées lorsqu'elles étaient encore présentes.»

D'habitude, dans mes chroniques, je prends toujours un petit paragraphe pour te parler du style d'écriture, de la force du texte, etc. Là, c'est compliqué. La syntaxe et l'orthographe de notre narratrice sont aléatoires, plusieurs formes narratives s'intercalent, certains passages trouveraient tout à fait leur place sur un blog sous forme d'articles... Du coup, j'ai préféré uniquement te présenter le personnage. De toute façon, c'est Sarah qui fait tout Terrortriste. Si tu n'accroches pas à son caractère, tu vas passer un mauvais moment de lecture. Déjà que manipuler un recueil format A4 en papier glacé n'est pas facile...! Ne va pas en plus te coltiner un personnage que tu ne peux pas voir en peinture. Pour moi, ça a fonctionné. J'ai aimé Sarah et son évolution, ses pensées et sa tendance à l'autodestruction. C'est tout. Je ne sais pas quoi te dire d'autre.

Terrortriste de Vincent Mondiot • France • 21 € • beaucoup de pages • 2016

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