Je pourrai sous-titrer cette chronique : la réédition où ne plus comprendre à quelle époque se passe un roman.
Mais bon, commençons par le commencement en résumant rapidement l'intrigue : Frédéric, 12 ans, fugue après une dispute avec ses parents au sujet de son bulletin de (mauvaises) notes. Il prend le train et se retrouve en pleine campagne, bien loin de chez lui. Là-bas, on le prend pour Ludovic « Ludo » Bernard, fils de fermiers, disparu depuis six mois. Ainsi, Frédéric va endosser l'identité de ce Ludo auprès de sa famille qui ne se rend pas compte de la supercherie.
Franchement, le résumé donne envie ! Les personnages sont intéressants ; dans la première partie, le narrateur est omniscient, on a les pensées de toute la famille Bernard en plus de celles de Frédéric/Ludo, qui écrit son journal intime dans la seconde. Il y a toute une réflexion intéressante sur les Bernard, tellement aveuglés par la joie de retrouver leur fils perdu qu'ils se mettent volontiers des œillères pour ne pas voir que c'est un imposteur.
Je n'ai pas accroché au style d'écriture. Les phrases sont très courtes, informatives. Ça m'a dérangé, mais ce style peut tout de même plaire. Néanmoins, il y a selon moi un gros problème... temporel.
La couverture de 1997 |
La couverture nous montre un adolescent à la coupe de surfeur et à la chemise négligée. Bref, un look actuel. Mais quand on commence notre lecture, on tombe sur des expressions démodées, la description d'un jeune dans le train écoutant son Walkman... mais dans quelle faille spatio-temporelle sommes-nous tombés ? La réponse arrive page 119, soit à la moitié du roman : 1995... on est en 1995 ! En fait, et je n'avais pas fait attention à cela en commençant ma lecture, mais il s'agit d'une réédition de Les mauvaises notes publié pour la première fois en 1997.
Et bon, ce livre a mal vieilli. En regardant la couverture, on s'attend à un truc qui se passe post-2010. Mais non, l'intrigue se passe alors que je n'étais même pas née. C'est trompeur ! De même, tous les passages à la campagne semblent tirés de fantasmes de citadins qui croient qu'on donne un surnom aux vaches et qu'on ne tue jamais les cochons parce qu'ils sont trop mignons. En fait, on est dans un album de Sylvain et Sylvette...
Chez les Bernard, on vit dans un monde fermier merveilleux ! |
Hasard de lecture, j'ai commencé Les mauvaises notes après avoir terminé S'enfuir de Martyn Bedford. Sorti en mai dernier, ce livre nous raconte aussi une histoire de fugue. Gloria a 15 ans et s'ennuie désespérément. Son quotidien est bouleversé quand Uman débarque dans sa classe et dans sa vie. Fascinée par son assurance, son impertinence et son mépris des règles, elle va s'enfuir avec lui. Ils se laissent guider par le hasard en jouant leurs destinations à pile ou face. Mais au fil de leur périple, Gloria va découvrir de plus en plus les côtés sombres d'Uman. Est-il authentique ou manipulateur ?
La narration de ce livre est basée sur l'entretien que mènent une inspectrice de la Police et Gloria. La fugue de cette dernière a duré 15 jours. Dans Les mauvaises notes, Frédéric prend la place de Ludo qui a disparu depuis presque six mois et la Police ne lui pose aucune question. Quand on lit ces deux livres à la suite, ces différences sautent au yeux et perturbent un peu. Cela souligne davantage l'impression que Les mauvaises notes se passe dans une autre dimension où tout le monde il est beau à la ferme et où les forces de l'ordre sont symbolisées par deux gendarmes rigolos et un peu idiots.
Quitte à lire un roman traitant de fugue, je vous conseille S'enfuir plutôt que Les mauvaises notes. Le propos est bien plus actuel et bien mieux mené. Il y a derrière une véritable analyse de ce qui peut mener les adolescents à faire des choses folles sur un coup de tête. Les mauvaises notes est décidément dépassé. Je ne suis pas familière avec les publications de L'École des Loisirs et je ne saurais vous conseiller d'autres titres. Alors, si vous avez des coups de cœur à partager, allez-y !
Les mauvaises notes de Claire Julliard • France • L'École des Loisirs • 6.80 € • 250 pages • 1997, réédition 2015
S'enfuir de Martyn Bedford • UK Twenty questions for Gloria 2016 • Traduction de Julie Lopez • Nathan Jeunesse • 16,95 € • 415 pages • mai 2016
S'enfuir me tente bien mais ce n'est pas une priorité, peut-être un jour ! ^^
RépondreSupprimerHaaan c'est rigolo, Les mauvaises notes, j'en parlais là, je ne sais pas si tu as vu :
RépondreSupprimerhttps://allezvousfairelire.com/2015/11/19/quand-on-trouve-que-cest-bien-ecrit-mais-mal-gere/
La première partie est consacrée à Quelqu'un qu'on aime et en 2e partie j'évoque le pb de l'anachronisme dans Les mauvaises notes, qui est très bizarre de ce point de vue.
Tu soulignes la maladresse du choix de couv pour la réédition (déjà le mec a clairement AU MOINS 15 ans quand le protagoniste en a à peine 13), mais l'anachronisme va plus loin, toute la langue (et l'évocation de la campagne, made in Sylvain et Sylvette comme tu dis !) qui est ultra décalée. Même pour les années 90 (J'étais née, perso. T'ÉTAIS PAS NÉE ??? Mais, mais ? T'as quel âge ?) Bref même dans les années 90, ce langage était celui des années 60-70.
S'enfuir m'intrigue un peu, intéressant de lire ton point de vue, mais je ne crois pas que j'aurai l'occaz de le lire.
Merci beaucoup pour cet article.
J'avais vu ton article mais je n'avais pas calé que tu parlais aussi des Mauvaises notes (j'étais plutôt en train de me rouler en boule et de hurler "Mais Quelqu'un qu'on aime c'est trop bieeeeeeen-euhhh"). C'est d'ailleurs ton exemplaire que j'ai lu, celui que tu m'as envoyé suite à ton concours ;)
SupprimerDans ta chronique, tu soulignes que même pour un roman des années 90, les expressions et autres repères sont décalés, digne du langage des années 60 - 70. Je ne suis guère familière avec ces époques et je n'avais pas du tout décelé ça ! Enfin bref, on en revient toujours au même point, c'est un poil ringard et totalement hors du temps.
Sinon, je suis de 1997 j'suis une petite moi héhé :)